Je ne suis pas folle, tu sais.

Tu sais, j'ai toujours cru que quoiqu'il arrive, j'allais m'en sortir. Je ne saurais réellement dire pourquoi. J'avais cette certitude, c'est tout. J'étais jeune, naïve, enfant. Je ne connaissais que peu de choses de la vie. Bien peu de choses, en effet. Mais ça me suffisait pour y croire, ou ne pas y penser. Je ne fais pas encore bien la distinction. Je crois que cette pensée était venue naturellement à mon esprit, sans vraiment que j'y pense. C'est vrai, quoi. Beaucoup d'autres on réussit, c'eût été dans l'ordre des choses que j'eusse réussi aussi. Puis, en fait, tu vois, je commence un peu à douter. Tu sais, petit à petit, j'ai aussi fait des découvertes. Tu vois, y en a pleins qui réussissent, mais la majorité foire, en fait. Seulement, ça, on te le dit pas. Bien sûr. Peut-être que je suis pas si spéciale, comme je le voudrais. Je fais peut-être juste tout simplement partie de la majorité. Ceux qui ne sont pas fils ou fille de. Je me suis rendue compte que tout ce temps, on avait fait que me préserver de ce que je découvrirais bien assez tôt. Et en effet. Peut-être même trop tôt. Tout ça pour te faire part de mes craintes. Enfin, celle-ci en particulier. Je vois qu'en fait, ce quoiqu'il arrive est arrivé, et qu'en fait je me trompais. Quoiqu'il arrive, je m'en sors pas, je ne suis pas si forte. J'en ai même pas l'air d'ailleurs. Mais malgré tout, tu sais, en ce moment c'est la merde, mais j'ai encore en moi cette infime partie qui y croit. Dur comme fer. Elle me le murmure chaque nuit et dans mes larmes. Je les entends, elles coulent pour m'apaiser. Et y arrivent. Elles sifflent en traînant langoureusement le long de ma joue, s'arrêtant à la commissure de mes lèvres, puis tombant. Ploc. Puis plus rien. Juste ce sentiment de vide, tu sais, juste là, au plus profond de la cage thoracique. Je peux sentir l'air passer à l'intérieur tellement le vide est présent. Et ça fait du froid. Et ça fait du bien. Je ne suis pas folle, tu sais. Je ne suis pas folle. J'y crois, c'est tout.